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La scène de crime d'Une étude en rouge (A Study in Scarlet),

reconstituée par la SSHF au Louvre des Antiquaires en 1997

La pièce, au 3, Lauriston Gardens, où l’on retrouve le cadavre d’Enoch J. Drebber

Le docteur Watson, militaire démobilisé, rentre à Londres après avoir été blessé lors de la seconde campagne d’Afghanistan. En ce début de 1881, seul, sans logis et bénéficiant de maigres moyens, il rencontre au Criterion’s bar le jeune Stamford, ancien condisciple du Bartholomew hospital. Stamford le présente à une de ses connaissances, qui cherche un colocataire pour louer un appartement à Baker street : Sherlock Holmes ! 

Le lecteur découvre en compagnie du docteur la personnalité unique du détective, et son art de la déduction appliqué aux affaires criminelles. Bientôt, les deux nouveaux amis sont lancés dans l’affaire qui inaugure leur association : « Il y a eu une triste affaire au n° 3 de Lauriston Gardens », annonce l’inspecteur Gregson, de Scotland Yard. Watson suit le détective dans l’enquête concernant les meurtres d’Enoch J. Drebber puis de Joseph Stangerson. Aucun indice au début, à l’exception du mot RACHE, « vengeance » en allemand, inscrit sur un mur. Le récit se poursuit autour d’une histoire dans l’histoire, qui nous conduit dans l’Utah, et nous fait découvrir la communauté des mormons.

Vous voilà le 4 mars 1881, au 3, Lauriston Gardens où l’on retrouve le corps de Enoch J. Drebber. Ecoutons le docteur Watson :

« Le n°3 de Lauriston Gardens offrait un aspect sinistre et menaçant. C’était une des quatre maisons qui se dressaient en retrait à quelque distance de la rue ; deux d’entre elles étaient habitées, les deux autres étaient vides. La dernière avaient trois rangées de fenêtres sans rideaux, mélancoliques, nues, désolées ; ici et là, sur les vitres sales, s’étalait un écriteau A louer. Un petit jardin parsemé de touffes de plantes malingres séparait chaque maison de la rue ; il était traversé par une allée étroite de couleur jaunâtre, mélange d’argile et de gravier. La pluie tombée pendant la nuit avait tout détrempé. Le jardin était bordé par un mur de briques, haut d’un mètre et muni d’une balustrade en bois. A ce mur était adossé un robuste agent de police entouré d’un petit groupe de badauds... »

« Un petit corridor au plancher nu et poussiéreux conduisait à la cuisine et à l’office. A gauche et à droite, il y avait deux portes : l’une était apparemment fermée depuis plusieurs semaines ; l’autre donnait sur la salle à manger, la pièce même où s’était accompli le crime... »

« C’était une grande pièce carrée que l’absence de tout meuble agrandissait encore. Un papier voyant (flaring paper) et vulgaire tapissait les murs, souillé de taches d’humidité ; ça et là, de grandes bandes détachées pendaient, laissant voir par-dessous le plâtre jauni. En face de la porte était une cheminée tape-à-l’oeil. A un bout de la tablette en faux marbre blanc, on avait planté une bougie rouge. L’unique fenêtre, très sale, filtrait une lueur trouble et incertaine qui faisait apparaître gris foncé toutes les choses, du reste ensevelies sous une épaisse couche de poussière... »

« Mon attention fut d’abord captée par la forme humaine sinistrement immobile qui gisait sur le parquet ; grands ouverts, les yeux vides regardaient avec fixité le plafond déteint. C’était le cadavre d’un homme d’environ quarante-trois, quarante-quatre ans, de taille moyenne, large d’épaules, avec des cheveux noirs et bouclés et une barbe de trois jours. Il portait une lourde redingote et un gilet tous deux en drap fin, et un pantalon clair. Son col et ses manchettes étaient d’une blancheur immaculée. Le cadavre porte des chaussures vernies... Un chapeau haut de forme, bien brossé et soigné, était posé sur le parquet, à côté de lui. Ses mains étaient crispées et ses bras étendus, tandis que ses membres inférieurs étaient entrecroisés. L’agonie avait dû être douloureuse ! Son visage rigide conservait une expression d’horreur ; je crus y lire de la haine aussi. Une grimace méchante, un front bas, un nez épaté, une mâchoire avancée donnaient à la victime une apparence simiesque. Sa posture insolite, recroquevillée, accusait encore davantage cette ressemblance... »

Il y a des gouttes et des taches de sang autour de lui... Au sol, il y a des cendres de tabac d’un cigare de Trichinopoly. Dans la poussière sur le parquet, on voit des empreintes de pas de chaussures aux bouts carrés. Une bague a roulé sur le parquet, une alliance en or de femme. 

 

Voici la liste des objets trouvés posés en tas sur une des dernières marches de l’escalier : 

- une montre en or, N° 97163 de chez Barraud de Londres, 

- une chaîne giletière (Albert chain) en or très lourde et très solide,

- un bague en or avec une devise maçonnique,

- une épingle d’or à tête de bouledogue avec des yeux en rubis,

- un porte-feuille en cuir de Russie contenant des cartes d’Enoch J. Drebber, de Cleveland, (le linge est marqué EJD),

- pas de bourse mais de l’argent (7 livres et 13 shillings),

- une édition de poche du Décaméron de Boccace portant sur la feuille de garde le nom de Joseph Stangerson,

- deux lettres : l’une adressée à E. J. Drebber, l’autre à Joseph Stangerson. Adresse : American Exchange, Strand, poste restante. Deux lettres provenant de la compagnie des bateaux à vapeur Guion (Guion Steamship Company) où il est question du départ de leurs bateaux de Liverpool.

 

Dans le coin le plus sombre de la chambre, mais qui était le mieux éclairé quand la bougie de la cheminée était allumée, un grand morceau de papier décollé laissait à découvert un carré de plâtre jaune. En travers de cet espace nu, à un peu plus d’1,80 m du sol, on avait griffonné en lettres de sang ce seul mot : Rache. Le A est écrit un peu en gothique. Une traînée de sang a dégouliné le long du mur. Le plâtre a été légèrement égratigné autour des lettres par un ongle long.

Pour l’inspecteur Lestrade il ne fait aucun doute que l’inscription « Rache » est le début du prénom « Rachel ». Pas pour Holmes... 

 

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